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2003 > Obstétrique > Traumatisme obstétrical  Telecharger le PDF

Élongations et paralysies du plexus brachial : circonstances d'apparition et prévention ?

F. Goffinet et B. Carbonne

Introduction

La paralysie du plexus brachial est une complication obstétricale redoutée et dont on a depuis longtemps cherché à reconnaître les facteurs de risque et circonstances d'apparition afin de tenter de la prévenir.

À l'origine de l'élongation du plexus brachial se trouve souvent la dystocie des épaules. À l'origine de la dystocie des épaules se trouve souvent la macrosomie fœtale. Cet exposé cherchera a préciser d'une part si la macrosomie fœtale est prévisible de manière fiable et d'autre part si sa reconnaissance peut faire espérer réduire l'incidence des élongations du plexus brachial.

Macrosomie fœtale et dystocie des épaules

Elle est généralement définie par un poids de naissance supérieur à 4 000 gr. La fréquence rapportée est variable selon la population étudiée et se situe en général entre 5 et 10 % des naissances. En France, en 1995, la fréquence des enfants ayant un poids de naissance entre 4 000 et 4 500 gr était de 6,1 % et celle des enfants de plus de 4 500 gr de 0,8. Les conséquences en terme de santé de la macrosomie fœtale sont bien connues. Elles sont maternelles avec une augmentation des césariennes (avant et pendant le travail), des lésions cervico-vaginales en cas d'accouchement par voie basse, des hémorragies de la délivrance et des infections du post-partum (travail long).

Mais la complication majeure est périnatale, la dystocie des épaules (DE), et sa conséquence dramatique l'élongation du plexus brachial (EPB) (tabelau 1) ; les autres complications périnatales sont l'asphyxie au moment de l'expulsion, l'hypoglycémie et l'hypocalcémie néonatale en cas de diabète et les fractures (clavicule, humérus) au cours de manœuvres qui restent généralement sans conséquences.

Ces conséquences en terme de santé ont conduit les praticiens à tenter de prédire en anténatal la macrosomie et la DE afin de tenter d'appliquer une prise en charge autour de l'accouchement.

Prédiction de la macrosomie fœtale : performance des moyens diagnostiques disponibles

Les caractéristiques de la mère

Le tableau 2 reprend les principaux facteurs de risque de macrosomie et de DE rapportés. De nombreux critères sont dépendants les uns des autres et il est difficile à l'issue de la revue de la littérature de dégager les facteurs indépendants. Ces facteurs sont bien sûr très imparfaits pour prédire la macrosomie et ont donc peu d'intérêt en pratique dans les décisions cliniques. En effet, si leur sensibilité est bonne, leur spécificité est très médiocre (faux-positifs très nombreux) puisque la majorité des femmes possédant au moins un de ces facteurs de risque accouche d'enfants de moins de 4 000 gr.

L'examen clinique : la palpation abdominale et la mesure de la hauteur utérine

Une des études de référence a montré que la précision de l'estimation de poids fœtal (EPF) par l'examen clinique était de 500 gr dans 82,5 % des cas mais dans seulement 35,3 % en cas de poids de naissance de plus de 4500 gr (1).

Tableau 1. Proportion des complications selon la classe de poids de naissance.

ÿDystocie

ÿÉlongation du

ÿFracture

ÿ

ÿdes épaules

ÿplexus brachial

ÿclavicule

ÿ

ÿn = 92

ÿn = 9

ÿn = 39

ÿ

ÿnb (%)

ÿnb (%)

ÿnb (%)

ÿ< 4 000

ÿ46 (50,0)

ÿ5 (56)

ÿ32 (82)

ÿ4 000-4 500

ÿ40 (43,5)

ÿ3 (33)

ÿ7 (18)

ÿ> 4 500

ÿ6 (6,50)

ÿ1 (11)

ÿ0 (

D'après Gonen et al. 9.

L'échographie

De nombreuses formules ou indices pour prédire la macrosomie fœtale ont été rapportés utilisant de manière variable le diamètre bipariétal, la périmètre caphalique, le diamètre abdominal transverse, le périmètre abdominal, la longueur. Les différences de précisions entre les formules d'EPF sont faibles et aucune ne semble être nettement supérieure aux autres, en particulier les formules plus compliquées avec de nombreux paramètres par rapport aux formules conventionnelles comme celles de Hadlock ou de Shepard (2, 3). Ainsi, il semble que les formules avec simplement la longueur fémorale et le périmètre abdominal soient les plus précises. Il est admis que l'erreur moyenne est significativement plus importante en cas de fœtus macrosomique aux environs de 15 % (2).

Toutes ces données confirment l'imprécision de l'EPF calculée par échographie entraînant ainsi un grand nombre de faux-positifs et de faux-négatifs dans la prédiction de la macrosomie.

Prédiction du risque de dystocie des épaules

Parmi les facteurs les plus prédictifs, on retrouve la séquence appelée « DOPE » = Diabetes, Obesity, Postdatism, Excessive fetal weight or maternal weight gain qui, si elle n'indique pas une césarienne systématiquement, doit amener l'obstétricien à une grande prudence pendant le travail. L'existence d'un diabète est un critère rapporté dans toutes les études; il semble que la prédominance troncale de l'obésité chez ces enfants les prédisposent à des risques plus élevés. Ainsi le risque de DE pour les classes de poids 4 000-4 250 gr, 4 250-4 500 gr, 4 500-4 750 gr et 4 750-5. 000 gr, est respectivement de 5,2 %, 9,1 %, 14,3 % et 21,1 % chez les mères non diabétiques contre 12,2 %, 16,7 %, 27,3 % et 34,8 % chez les mères diabétiques (4). Langer sur une série importante de macrosomes > 4 000 gr montre que le risque de DE est multiplié par 3,6 en cas de diabète (5). Les autres facteurs de risque sont un antécédent de DE (risque multiplié par 17), une prise de poids maternelle élevée, la multiparité, un travail long, la nécessité de réaliser un forceps (6).

Tableau 2. Facteurs de risque de macrosomie fœtale.

Poids de naissance maternel

Dystocie des épaules

Macrosomie

Diabète préexistant

Diabète gestationnel

Obésité

Multiparité

âge maternel > 35 ans

Diabète gestationnel

Prise de poids excessive

Suspicion de macrosomie fœtale

Terme dépassé

Les études recherchant des signes échographiques ou par IRM en anténatal sont en général préliminaires et isolées et des données supplémentaires sont nécessaires pour confirmer prospectivement les résultats. Verspyck et al. montrent que le diamètre bi-acromial (BIA), même s'il pouvait être mesuré de manière parfaite, c'est-à-dire sans faux-positifs et sans faux-négatifs, en anténatal (dans leur étude, la mesure était réalisée à la naissance), sa valeur prédictive sur la survenue d'une DE serait très insuffisante (6).

Implications pratiques de la reconnaissance de la macrosomie fœtale dans les décisions

Pour certains cliniciens, une EPF > 4 000 gr ou > 4 500 gr doit indiquer une césarienne systématique alors qu'aucune évaluation satisfaisante n'a été réalisée sur ce type de décision. Pour comparer les avantages et les inconvénients de ces deux politiques, on peut se baser sur des modèles théoriques décisionnels comme dans l'étude de Rouse et al. (7). Le tableau 3 résume les conséquences des trois stratégies en termes de taux de césarienne, de DE, d'EPB et de coût pour un million de grossesses sans diabète au delà de 39 SA.

Ainsi, avec une politique de césarienne systématique en cas d'EPF > 4 000 gr, le taux de césarienne est de 27,6% dans la population et le nombre de césariennes à réaliser pour prévenir une EPB est de 3 695 ; avec la politique de césarienne systématique en cas d'EPF > 4 500 gr, il est de 2 345 césariennes pour éviter une EPB. Les auteurs concluaient qu'un telle politique n'était pas défendable en raison du coût mais aussi en termes de santé; en effet, on estime aux USA que la césarienne entraîne un excès de décès maternel de 13,5 pour 100 000 naissances ; ainsi, pour 3,2 EPB permanents évités, un décès maternel surviendrait (7) !

Tableau 3 : Résultats obstétricaux et coût selon trois politiques de prise en charge différentes pour 1 million de femmes enceintes non diabétiques après 39 SA (USA)*.

ÿpolitique de prise

ÿCS

ÿDE

ÿEPB

ÿnb de CS

ÿCoût

ÿ

ÿen charge

ÿ%

ÿ%

ÿnb

ÿpour éviter

ÿ(M. de $)

ÿ

ÿ

ÿ

ÿ

ÿ

ÿun cas d'EPB

ÿPrise en charge classique

ÿ19,1

ÿ1,00

ÿ157**

ÿ...

ÿ9,0

écho et césarienne syst. 27,6 0,84 134 3695 18,0si EPF > 4.500 grs

écho et césarienne syst. si EPF > 4.000 grs 30,6 0,64 108 2345 26,0

* D'après Rouse et al. (7).

** Soit 0,0157 %.

DE = Dystocie des épaules ; EPB = élongation du plexus brachial ; EPF = estimation du poids fœtal ; CS = césarienne.

S'il existe un diabète (3 % des grossesses), le nombre de césariennes à réaliser pour éviter un EPB permanent est de 489 avec le seuil de 4 000 gr et de 443 avec le seuil de 4 500 gr. Les « coûts » financiers et surtout en nombre de césariennes sont alors moins élevés et la discussion restent ouverte dans ces cas précis pour les auteurs.

Weeks et al. ont repris 504 cas d'enfants nés avec un poids de naissance de plus de 4 200 gr sur 6 années consécutives (8). Pour 102 d'entre eux, le diagnostic de macrosomie avait été fait en anténatal. La tableau 4 rapporte les principaux résultats de cette étude. On retrouve de manière significative une augmentation du nombre de césariennes avant travail, de déclenchements et d'échec de déclenchement dans le groupe « macrosomie fœtale diagnostiquée » par rapport au groupe « macrosomie fœtale non diagnostiquée » alors que le poids de naissance est le même. Ces résultats sont comparables à ceux retrouvés dans d'autres études et ne s'accompagnent d'aucune différence entre les deux groupes sur le taux de DE et d'EPB. Les auteurs concluaient que la reconnaissance de la macrosomie fœtale en anténatal entraînait une augmentation des césariennes sans bénéfice néonatal et qu'en conséquence la pratique de l'EPF par échographie en fin de grossesse devait être proscrite (8).

Tableau 4 : Résultats obstétricaux et risque de dystocie des épaules selon que la macrosomie était prédite ou non avant la naissance*.

Macrosomie Macrosomie prédite non prédite p n = 102 n = 402 % %

Césarienne (taux global) 52,0 30,0 < 0,01

Césarienne avant travail 14,7 10,2 NS

Césarienne avant 4 cm (sur les tentatives 49,0 16,5 < 0,01de voie basse)

Déclenchement 42,5 26,6 < 0,01

Échec de déclenchement 59,5 33,4 0,01

Dystocie des épaules 11,8 11,7 NS

* D'après Weeks et al. (8).

Le problème semble différent en cas de mère diabétique où la majorité des auteurs estiment qu'une EPF > 4.250 ou 4 500 gr impose la réalisation d'une césarienne même si il n'existe pas de données formelles en raison probablement de la difficulté à disposer d'effectifs suffisants pour conclure.

Conclusion

La macrosomie fœtale est un facteur de risque majeur de DE qui elle-même est un facteur de risque majeur d'EPB. Cependant, la reconnaissance de la macrosomie fœtale est très imprécise même à l'aide de l'échographie contrairement à l'opinion de beaucoup d'obstétriciens qui surestiment la valeur de cet examen. La prédiction du risque de complications (DE et EPB) liées à la macrosomie est également très médiocre. Ces deux constats associés à la prévalence très faible des séquelles contre-indiquent l'utilisation de la reconnaissance de la macrosomie fœtale dans les décisions de césarienne ou de déclenchement dans la population générale. La survenue d'une DE en salle de travail n'est donc pas synonyme de mauvaise pratique médicale comme on l'entend parfois. Les données sont plus discutables et les décisions doivent être prudentes en cas de mère diabétique et d'EPF > 4 500 gr où les risques de DE et d'EPB sont très élevés.

De nombreuses DE surviennent et surviendront sans qu'aucun critère prédictif ne soit connu. Compte tenu de ce caractère imprévisible, la seule solution actuelle est la prévention des complications de la DE (EPB, fractures) par une prise en charge adaptée au moment de l'accouchement. Il est nécessaire que les accoucheurs connaissent parfaitement les manœuvres obstétricales et que soit établie dans les services d'obstétrique une prise en charge codifiée (plan d'action avec ordre des différentes manœuvres à réaliser) et régulièrement expliquée.

Bibliographie

[1] ONG HC, SEN DK. Clinical estimation of fetal weight. Am J Obstet Gynecol 1972;112:877-80.

[2] HADLOCK FP. Sonographic estimation of fetal age and weight. Radiol Clin North Am 1990;28:39-50.

[3] MCLAREN RA, PUCKETT JL, CHAUHAN SP. Estimators of birth weight in pregnant women requiring insulin: a comparison of seven sonographic models. Obstet Gynecol 1995;85:565-9.

[4] NESBITT TS, GILBERT WM, HERRCHEN B. Shoulder dystocia and associated risk factors with macrosomic infants born in California [see comments]. Am J Obstet Gynecol 1998;179:476-80.

[5] LANGER O, BERKUS MD, HUFF RW, SAMUELOFF A. Shoulder dystocia: should the fetus weighing greater than or equal to 4000 grams be delivered by cesarean section? Am J Obstet Gynecol 1991;165:831-7.

[6] VERSPYCK E, GOFFINET F, HELLOT M, MILLIEZ J, MARPEAU L. Newborn shoulder width: a prospective study of 2 222 consecutive measurements. Br J Obstet Gynecol 1999;106:589-93.

[7] ROUSE DJ, OWEN J, GOLDENBERG RL, CLIVER SP. The effectiveness and costs of elective cesarean delivery for fetal macrosomia diagnosed by ultrasound. JAMA 1996;276:1480-6.

[8] Weeks JW, Pitman T, Spinnato JA, 2nd. Fetal macrosomia: does antenatal prediction affect delivery route and birth outcome? Am J Obstet Gynecol 1995;173:1215-9.