Tolérance des cardiopathies congénitales
pendant la vie ftale et à la naissance
D. SIDI*
* Service de cardiopédiatrie, département de pédiatrie de l'hôpital Necker,
Enfants-Malades, Université Paris V.
A - Rappel physiologique.Pour comprendre la tolérance des cardiopathies congénitales
pendant la vie ftale et à la naissance, il faut avoir quelques bases physiologiques
sur la circulation ftale et les adaptations circulatoires à la naissance.
Le ftus1 - Le cur est nécessaire à la survie de l'embryon.Alors que tous
les autres organes et fonctions (digestive, urinaire, métabolique, hormonale, etc.)
peuvent être suppléés au moins en partie par le placenta, la pompe cardiaque de
l'embryon puis du ftus assure seule par sa contraction la perfusion des organes et
du placenta et est donc indispensable à sa survie. Or la circulation embryonnaire et
ftale est du même type si bien que les cardiopathies qui ne s'accommodent pas de la
circulation ftale entraînent un avortement spontané. Un véritable tri s'opère
très tôt avant même que l'analyse échographique puisse révéler ces anomalies qui ne
sont identifiables que sur la vérification des embryons décédés. Ainsi, c'est
probablement à cause de (ou grâce à) l'association fréquente des anomalies
chromosomiques avec des cardiopathies complexes (qui ne permettent pas d'assurer la
circulation de l'embryon) que la majorité des anomalies chromosomiques ne survivent pas
à la période embryonnaire (plus de 70 % des avortements spontanés précoces ont des
anomalies chromosomiques avec cardiopathies). D'un autre côté, lorsque l'embryon malade
devient ftus, c'est que la cardiopathie a fait la preuve qu'elle s'adapte à la
circulation ftale et c'est la raison pour laquelle les décompensations cardiaques
in utero sont rares au cours des cardiopathies congénitales et les nouveau-nés
cardiaques sont en général (en dehors des syndromes polymalformatifs) de superbes
enfants à terme et eutrophiques.
2 - Le cur n'a pas besoin d'être sophistiqué pour s'adapter à la circulation
ftale.Peu d'exigences en termes d'architecture cardiaque ; une circulation
ftale satisfaisante peut être assurée par 1 ventricule muni de 2 valves qui
fonctionnent bien. C'est le cas du cur de batracien qui n'a qu'une oreillette, une
valve auriculo-ventriculaire, un ventricule, une valve sigmoïde et une artère sur
laquelle sont branchées toutes les artères du ftus y compris l'artère pulmonaire
(AP) et les artères ombilicales. Ceci suffit au bonheur du ftus, à condition que
les valves et le muscle fonctionnent bien. Par contre une grande fragilité en termes de
fonction myocardique : la circulation ftale est fragile en raison des propriétés
d'un myocarde en pleine maturation avec des fibres peu nombreuses désorganisées et des
récepteurs immatures.Le myocarde du ftus est peu contractile et peu compliant avec
un débit cardiaque qui dépend étroitement de la fréquence et a besoin d'un
synchronisme auriculo-ventriculaire. Toutes ces contraintes quantitatives font que les
pressions de remplissage (celles qui règnent dans les veines et les capillaires en amont
du cur) entraînent vite une anasarque fto-placentaire, le ftus étant
en effet très sensible à l'hyperpression capillaire car ses parois capillaires sont
poreuses (avec une pression oncotique basse).C'est donc l'altération de la fonction du
myocarde ou des valves qui entraînera une décompensation cardiaque in utero et non
l'architecture du cur.
3 - Le cur du ftus a besoin d'être harmonieux et sophistiqué pour
s'adapter à la circulation post-natale.Chez l'homme la situation est plus complexe que
chez le batracien car il faut que le cur ftal assure non seulement
l'oxygénation du ftus mais aussi qu'il soit prêt à la circulation post-natale qui
est en série (pulmonaire et systémique (aortique) et qui exige :- une parfaite
concordance entre les segments du cur (veines, oreillettes, ventricules et artères)
de sorte que le sang veineux cave soit éjecté en totalité dans le poumon et que ce sang
oxygéné se retrouve dans les veines pulmonaires et soit éjecté dans l'aorte.- un
équilibre entre les 2 ventricules qui éjecteront la même quantité de sang.Cette
nécessaire harmonie est possible grâce aux communications à l'entrée et à la sortie
des ventricules du ftus. La première communication est à l'entrée des ventricules
entre les oreillettes (CIA) ; c'est le foramen ovale qui est une CIA particulière car
elle s'ouvre seulement de droite à gauche (la valve de Vieussens faisant clapet). Cette
CIA permet au ventricule gauche (VG) de se développer malgré le petit retour veineux
pulmonaire à l'oreillette gauche (<10 % du débit cardiaque) car 1/3 du retour veineux
cave qui revient à l'oreillette droite traverse le foramen ovale pour
"précharger" le Ventricule Gauche (VG) et lui permettre de se développer.La
deuxième communication est à la sortie des ventricules entre l'aorte (Ao) et l'artère
pulmonaire (AP) ; c'est le canal artériel qui permet au ventricule droit (VD) d'éjecter
son gros débit (60% du débit cardiaque) essentiellement vers l'Ao descendante et le
placenta sans se heuter aux résistances vasculaires très élevées des AP (qui
reçoivent de ce fait <10 % du débit cardiaque combiné).Ces communications, qui sont
nécessaires à la formation d'un cur biventriculaire harmonieux, sont aussi une
menace pour cet équilibre car elles permettent en cas de pathologie d'une valve ou d'un
ventricule (mitrale ou Ao pour le VG, tricuspide ou pulmonaire pour le VD) de
court-circuiter ce ventricule pathologique, le sang étant dérivé vers l'autre
ventricule par la CIA et ramené dans la bonne artère par le canal artériel. Or dès
qu'il sera court-circuité le ventricule ne se développera plus correctement car, plus
qu'à aucun autre moment de la vie, chez le ftus la fonction crée l'organe. Le
retentissement ira d'ailleurs au-delà des ventricules et se répercutera sur la taille
des vaisseaux aortique et pulmonaire et sur la taille des communications elle-même (canal
artériel et foramen ovale) ce qui aura des conséquences importantes pour la tolérance
et le traitement à la naissance. Il y a une véritable morphogénèse du cur du
ftus qui est étroitement liée aux conditions hémodynamiques de la cardiopathie et
de son adaptation à la circulation ftale. La taille des cavités et des vaisseaux
se moule sur le débit qui les traverse et c'est de la taille et de la qualité de ces
cavités et de ces vaisseaux que dépendront la tolérance de la cardiopathie à la
naissance et le pronostic à moyen et long termes de la cardiopathie.On voit ainsi se
développer des cardiopathies complexes éventuellement irréparables à partir de
lésions initiales simples. Ainsi une sténose de la valve aortique entraîne une
hypertrophie du VG (avec éventuellement ischémie et fibrose ) qui devient moins
compliant, si bien que pour la même pression auriculaire moins de sang y entrera. De ce
fait le VG et la mitrale se développeront moins bien (hypoplasie + ou - marquée), moins
de sang traversera le foramen ovale (petite CIA), moins de sang sortira du VG (hypoplasie
de l'aorte) et plus de sang ira dans l'AP et le canal artériel qui seront très larges. A
l'inverse une atrésie tricuspide empêchera le sang de pénétrer dans le VD qui ne se
développera que si une communication inter-ventriculaire est associée. Tout le retour
veineux cave traverse le foramen ovale (qui sera très large) pour pénétrer dans un VG
qui sera plus large et donnera une très grosse Ao avec un petit canal artériel qui
alimentera le poumon des 10 % de sang qui lui reviennent in utero. D'autres malformations
comme la transposition des gros vaisseaux, les retours veineux pulmonaires anormaux
n'auront pas de conséquence sur la formation du cur et des vaisseaux car elles ne
perturbent pas l'hémodynamique ftale et la répartition des débits in utero. De
même une simple communication inter-ventriculaire (CIV) ne perturbera pas
l'hémodynamique intracardiaque et permettra un bon équilibre ventriculaire. Si par
contre la CIV s'accompagne d'un mal-alignement septal sous aortique ou sous-pulmonaire
c'est-à-dire avec un septum conal (qui est entre les vaisseaux, au-dessus et en avant de
la CIV) qui peut être dévié en arrière sous l'aorte ou en avant sous l'AP, il y aura
moins de sang éjecté dans l'Ao ou l'AP et ces vaisseaux se développeront moins et
seront hypoplasiques à la naissance. C'est ce qui explique que des malformations qui ont
une origine génétique commune (micro-délétion du chromosome 22) donneront des
cardiopathies diamétralement opposées que sont d'un côté la tétralogie de Fallot ou
l'atrésie pulmonaire avec CIV (mal-alignement sous pulmonaire), et d'un autre côté les
interruptions de crosse aortique ou syndromes de coarctation (mal-alignement sous Ao).La
surveillance obstétricale de l'architecture du cur (concordance des segments
cardiaques) et de la taille et de la fonction des curs droit et gauche du ftus
permet de prévoir la tolérance cardio-vasculaire à la naissance c'est-à-dire le
pronostic de la malformation et les précautions à prendre à la naissance (transfert en
cardiologie pédiatrique ou en réanimation pédiatrique, ou bien simple surveillance en
maternité). Dans certains cas se discutera même l'indication d'un accouchement
prématuré pour éviter l'aggravation de l'hypoplasie ou de la fonction d'un ventricule,
voire pour des ftus trop jeunes une intervention in utero visant à corriger le
trouble hémodynamique pour éviter l'atrophie irréversible d'un ventricule.
Le nouveau-né.
Le bouleversement circulatoire à la naissance se traduit par 4 manifestations
essentielles qui vont aboutir à un cur en série avec un VG à forte pression et un
VD à basse pression.
1 - La disparition du placenta et avec lui la modification radicale de l'hématose
(switch placento-pulmonaire) mais aussi la disparition de l'organe à basse résistance
sur l'Ao qui facilitait l'éjection des 2 ventricules avec pour conséquence à la
naissance une vaso-constriction intense (augmentation brutale de la post-charge) qui
pèsera sur le VG du nouveau-né.
2 - Une vasodilation pulmonaire intense amenant en quelques minutes les résistances
vasculaires pulmonaires (qui étaient 10 fois supérieures aux résistances vasculaires
systémiques) à un niveau infrasystémique (1/3 environ), ce qui permet au sang éjecté
par le VD de s'engouffrer dans le poumon et au sang du canal artériel (tant qu'il reste
ouvert ) de changer de sens et d'aller non plus de l'AP vers l'Ao mais de l'Ao vers l'AP
ce qui augmente encore le débit pulmonaire et donc le retour veineux pulmonaire qui, dès
lors, suffit au remplissage du VG et entraînera la fermeture de la CIA.La baisse des
résistances vasculaires pulmonaires suppose toutefois que le poumon se soit bien
développé pendant la vie ftale avec des artérioles en nombre suffisant et pas
trop musclées et que les conditions ventilatoires et neuro-humoro-hormonales de la
vasodilatation aient bien pris place à la naissance. Elle suppose également que le
retour veineux pulmonaire ne soit pas bloqué.Lorsque ces conditions ne sont pas remplies,
les résistances vasculaires pulmonaires restent supra-systémiques avec une hypertension
artérielle pulmonaire et le maintien des communications à l'entrée et à la sortie des
ventricules avec un shunt droite-gauche auriculaire et AP-Ao ductal comme chez le
ftus (d'où l'appellation malencontreuse de Persistance de la Circulation
Ftale ou PCF).
3 - La fermeture des communications en amont et en aval des ventricules.La CIA se ferme
instantanément, dès que la pression de l'OG devient supérieure à celle de l'OD (dès
que les résistances pulmonaires baissent et d'autant plus que persiste un shunt Ao-AP par
le canal artériel) grâce au clapet de la valve de Vieussens qui ferme le foramen ovale.
Cette CIA reste ouverte si la cardiopathie fait que la pression dans l'OD reste plus
élevée que dans l'OG (obstacle droit). Elle peut aussi s'ouvrir lorsque la pression est
très élevée dans l'OG et que la distension du foramen ovale permet à la valve de
Vieussens de traverser et donc de ne plus faire clapet. Cette possibilité de shunt gauche
droite auriculaire constitue le mode de survie des transpositions des gros vaisseaux, ou
des hypoplasies ou atrésie mitrale et VG. Lorsque le shunt gauche-droite auriculaire ne
se met pas en place dans ces pathologies (mauvaise distension de l'OG ou valve de
Vieussens trop large), la valvule de Vieussens peut être déchirée en montant une sonde
à ballon à travers le foramen ovale et en faisant craquer la valve de Vieussens
(atriosptostomie de Rashkind). Le canal artériel se ferme en quelques jours, du bout
pulmonaire vers le bout aortique, à la faveur de l'augmentation de la pression partielle
en oxygène (PO2) ambiante et de la diminution des prostaglandines E (PGE) circulantes.
Lors de sa fermeture il peut entraîner sur l'Ao isthmique ou sur l'AP une striction
correspondant à une migration anormale des fibres ductales sur les vaisseaux adjacents.
Il peut être maintenu ouvert par la perfusion de PGE. Ces communications atriales et
artérielles peuvent être entretenues après la naissance (PGE et Rashkind) et elles
seront d'autant plus efficaces qu'elles sont larges (voir morphogénése). C'est de la
nécessité ou non du maintien de ces shunts pour l'installation d'une hématose ou d'une
hémodynamique satisfaisante que dépendra la nécessité de faire naître ou de
transférer en urgence dans un centre spécialisé les ftus atteints de certaines
cardiopathies.
4 - L'augmentation brutale du débit cardiaque pour assurer la dépense énergétique
et la consommation en O2 lorsque le ftus quitte son milieu aquatique isotherme sous
assistance placentaire pour un milieu aérien hypothermique en autonomie énergétique.
Cette demande pèse surtout sur le VG qui est obligé de mobiliser presque toutes ses
réserves sympathiques et aura beaucoup de mal à s'adapter à des conditions
circulatoires pathologiques.Les nouveau-nés à risques sont donc non seulement ceux qui
ont une cardiopathie qui ne s'adapte pas au switch placento-pulmonaire (voir plus loin)
mais aussi ceux qui en fin de grossesse ont un VG limite en taille ou en fonction.B
- Causes de la mauvaise tolérancedes cardiopathies congénitales in utero.
Elles découlent de la physiologie et de la physiopathologie susdécrites et
proviennent d'altérations acquises qui affectent les ftus avec ou sans cardiopathie
congénitale.Rappelons que le myocarde ftal est fragile car sa contractilité et sa
compliance sont faibles, et qu'il est très dépendant pour son débit cardiaque de la
fréquence cardiaque et du synchronisme auriculo-ventriculaire.La décompensation
cardiaque, avant d'affecter dangeureusement la perfusion artérielle du ftus, passe
par un stade de congestion cardiaque due à l'élévation des pressions de remplissage du
cur et se traduit par une anasarque fto-placentaire. Les 4 principales causes
de décompensation cardiaque du ftus sont les troubles du rythme, une fuite
auriculo-ventriculaire, l'altération des conditions de charge et l'altération
"primitive" du myocarde. A ce titre certaines cardiopathies sont à risque chez
le ftus en raison de la fragilité d'une valve auriculo-ventriculaire (CAV, double
discordance, maladie d'Ebstein), de la fragilité des voies de conduction
auriculo-ventriculaire (CAV, double discordance) ou du risque accru de tachycardie
supraventriculaire par faisceau accessoire (Ebstein et double discordance).
1 - Les troubles du rythme et de la conduction.
Ce sont les troubles du rythme actifs, à type de tachycardie supraventriculaire
(rythme réciproque, tachy-systolie ou flutter), qui, lorsqu'ils sont prolongés affectent
la fonction cardiaque et sont responsables d'anasarque. Rappelons que ces tachycardies
sont faciles à diagnostiquer en Echo-Doppler et sont le plus souvent curables par
réduction pharmacologique.De façon un peu surprenante, les blocs auriculo-ventriculaires
complets même relativement lents entraînent rarement (en l'absence de myocardite
associée) d'anasarque fto-placentaire, alors qu'ils ont perdu la séquence
auriculo-ventriculaire et qu'un long remplissage sur un myocarde peu compliant devrait
entraîner des pressions de remplissage élevées. Il y a là une probable adaptation
myocardique du ftus à la bradycardie chronique.
2 - Les fuites auriculo-ventriculaires.
Elles sont fréquentes dans certaines cardiopathies comme le CAV et il est probable,
là aussi, que s'effectue un tri en période ftale et que les survivants sont les
CAV avec bonne valve auriculo-ventriculaire.La valve tricuspide est particulièrement
exposée non seulement lorsqu'elle est pathologique (Ebstein, double discordance) mais
aussi par ischémie (le pilier antérieur de la tricuspide est le tendon d'achille du
cur en matière d'ischémie myocardique) en cas d'hypertension VD (par obstacle
pulmonaire sans CIV ou par HTAP due à la fermeture prématurée du canal artériel).En
cas de fuite tricuspide, on peut observer une décompensation précoce et grave avec
anasarque fto-placentaire en raison d'une élévation des pressions dans l'OD.
Celle-ci survient surtout en fin de grossesse lorsque le foramen ovale a du mal à assurer
d'un coup le court-circuit du VD par le VG. L'exemple le plus démonstratif est celui de
la fermeture prématurée du canal artériel.
3 - L'altération des conditions de charge.
Altération de la post-charge: L'HTA du ftus est exceptionnelle car le placenta
fait tampon aux modifications locales des résistances vasculaires et la vaso-relaxation
des fibres du canal artériel évite les coarctations du ftus. Elle s'observe lors
d'altération majeure de la circulation utéro-placentaire. L'HTAP du ftus est moins
rare et ne peut s'observer (en dehors d'une HTA) que si le canal artériel est
constricté. Ces constrictions du canal artériel s'observent surtout après traitement
par l'Indocid et entraînent une HTAP (car le VD ne peut plus éjecter dans l'aorte
descendante vers le placenta) responsable d'une défaillance du VD (voir plus haut)
éventuellement responsable d'anasarque fto-placentaire. De plus l'HTAP entraîne
une hyper-muscularisation des artérioles pulmonaires qui posera de sérieux problèmes
d'HTAP post-natale (car les résistances vasculaires pulmonaires ne baisseront pas
suffisamment à la naissance).
Altération de la pré-charge: Elles sont exceptionnelles et proviennent des anémies
ftales sévères par incompatibilité sanguine et des fistules artério-veineuses
(cérébrale, hépatique ou placentaire) qui surchargent le cur ftal et
entraînent une anasarque.
4 - Une myocardiopathie peut se révéler chez le ftus.
Ce peut être une myocardiopathie secondaire (rythmique, ischémique mais aussi
infectieuse et/ou immunologique) qui se traduira par 2 ventricules dilatés
hypokinétiques ou diskinétiques avec anasarque si la fonction est sévèrement
compromise.Il peut s'agir aussi de myocardiopathies primitives (par altération de la
structure ou du fonctionnement du sarcomère) qui peuvent, comme en post-natale, être
hypertophiques ou au contraire dilatées hypokinétiques à paroi mince. Il faut surtout
savoir qu'en général dans les myocardiopathies familiales l'altération de la fonction
ou l'hypertrophie est plus tardive (post natale voir post pubertaire) et qu'une fonction
ventriculaire normale chez le ftus ne peut rassurer les parents qui ont une histoire
familiale ou qui ont eu un enfant qui a ou est décédé d'une myocardiopathie
éventuellement familiale (en particulier récessive autosomique ou liée au sexe). Toutes
ces anomalies ne doivent pas masquer l'essentiel, à savoir que la plupart des
malformations cardiaques qui permettent à l'embryon de devenir ftus, permettront au
ftus de devenir un superbe nouveau-né même si celui-ci est menacé de mort dès la
naissance ou même lorsque l'anatomie est perturbée au point qu'aucune réparation
chirugicale n'est envisageable.
- Causes de la mauvaise tolérance des cardiopathies congénitales chez le
nouveau-né.
Ce sont les malformations qui ne s'accommodent pas du "switch
placento-pulmonaire" de la naissance ou qui ont un VG qui ne paraît pas en état
d'accepter la contrainte qui lui sera imposée à la naissance. On peut les classer en 4
groupes :
1 - Les maladies du cur gauche: Elles comprennent toutes les malformations pour
lesquelles le flux systémique du VG vers l'Ao est compromis par une anomalie
ventriculaire gauche (sténose valvulaire et/ou sous valvulaire, anomalie mitrale,
relative hypoplasie du VG) qui s'accompagnent volontiers d'une hypoplasie de l'aorte avec
ou sans coarctation. Ces malformations sont d'ailleurs souvent associées, probablement
pour des raisons génétiques (association d'anomalie aortique sous aortique et mitrale
dans le syndrome de Shone et récurrence élevée et croisée de ces malformations ) et
morphogénétiques puisque comme nous l'avons expliqué la formation du cur gauche
et de l'aorte est aussi dépendante du flux pendant la vie ftale.Dans ces
situations, le maintien du canal artériel ouvert (toujours gros puisque le VG est
court-circuité in utero avec un énorme flux à travers le canal artériel in utero) est
souvent indispensable à la survie, car il permet au VD de participer à la circulation
systémique en continuant d'éjecter dans l'Ao descendante (voire ascendante en
rétrograde) à travers le canal artériel. Ce sauvetage par le VD ne peut se faire qu' au
prix d'une HTAP au moins iso-systémique, qui, avec la baisse des résistances vasculaires
pulmonaires, entraînera une augmentation du flux pulmonaire et donc du retour veineux
pulmonaire au cur gauche malade. Il est alors crucial que la CIA soit largement
ouverte si la mitrale et le VG ne peuvent accommoder cet hyperdébit. Or précisément ces
maladies du cur gauche ont souvent un foramen ovale petit pour les raisons
morphogénétiques susdécrites qui tiennent à ce que pendant la vie ftale le VG
était court-circuité et que moins de sang ne traverse la CIA du ftus. En ce sens,
ces malformations du cur gauche peuvent nécessiter une atrio-septostomie de
Rashkind en semi-urgence suivie éventuellement d'un élargissement chirurgical de la
CIA.Les malformations du cur gauche justifient donc le transfert rapide en centre
spécialisé avec une perfusion de PGE pour confirmer le diagnostic, apprécier la
gravité, pratiquer une éventuelle atrio-septostomie de Rashkind et indiquer une
intervention chirurgicale en semi-urgence pour les formes où le VG permet d'espérer une
issue favorable à moyen et long termes.
2 - Les maladies du cur droit: Elles ne permettent pas un flux antérograde
suffisant vers le poumon pour assurer une hématose correcte. Il s'agit essentiellement
des atrésies de la valve pulmonaire avec ou sans CIV, des hypoplasies majeures du VD et
de la pathologie de la valve tricuspide (atrésie, dystrophie ou fuite par ischémie).
Dans ces malformations, il faut assurer un flux pulmonaire suffisant en court-circuitant
le VD. Ceci est en général facile car la CIA ne se ferme pas (système à clapet dans le
bon sens de la valve de Vieussens et du foramen ovale) et est large (augmentation du flux
à travers le foramen ovale pendant la vie ftale) et il est toujours possible de
maintenir le canal artériel ouvert par les PGE si elles sont perfusées tôt. Le canal
artériel est souvent petit dans ces malformations (car il ne reçoit éventuellement que
le sang pulmonaire pendant la vie ftale), mais il est dans notre expérience
toujours de taille suffisante pour assurer un débit pulmonaire suffisant à l'hématose
du nouveau-né (à condition que les vaisseaux pulmonaires soient bien développés ce qui
est toujours le cas en dehors des formes graves d'atrésie pulmonaire avec CIV) et sa
petite taille évite l'HTAP et ses conséquences.Les malformations du cur droit sont
donc peu dangereuses pour le nouveau-né à condition de pouvoir perfuser des PGE et
d'assumer les éventuelles apnées secondaires à cette perfusion. Elles justifient le
transfert pour les indications ultérieures au cathétérisme interventionnel (dilatation
voire perforation d'une valve pulmonaire) ou à la chirurgie palliative (anastomose
systémico-pulmonaire) ou curatrice pour les formes favorables d'obstacle pulmonaire avec
bel arbre pulmonaire et bon ventricule droit.
3 - Les malpositions vasculaires sans anomalie intracardiaque: il s'agit avant tout de
la transposition simple des gros vaisseaux qui est une malformation fréquente et curable
en période néonatale à condition d'avoir assuré la survie immédiate du nouveau-né
qui est très menacée dès les premières heures, voire les premières minutes de la vie
par la fermeture de la CIA et du canal. En effet dans cette malformation, en l'absence de
communication, tout le sang veineux retourne à l'Ao et tout le sang oxygéné retourne au
poumon. Le maintien du canal artériel par les PGE permet un échange de sang mais à
très forte pression avec dème pulmonaire si une CIA n'est pas présente
(c'est-à-dire si la dilatation du foramen ovale n'est pas suffisante pour permettre à la
valvule de Vieussens de le traverser sans l'occlure). Il est crucial que puisse être
pratiquée en urgence une atrio-septostomie de Rashkind et donc que le patient soit
transférer en extrême urgence dans un centre spécialisé, ou mieux, naisse dans un site
où ce geste peut être pratiqué à la naissance.Plus rare mais tout aussi menaçant est
le retour veineux pulmonaire total (RVPAT) bloqué, qui est une malposition veineuse sur
un cur normal et qui se développe normalement chez le ftus et qui est
incompatible avec la survie postnatale si le sang oxygéné ne peut se drainer dans le
cur gauche et stagne dans les veines pulmonaires avec un dème considérable.
On imagine les difficultés du diagnostic prénatal qui sont en partie résolues pour les
grands experts par le Doppler couleur. Contrairement à la transposition des gros
vaisseaux, cette " transposition des petits vaisseaux " ne peut qu'être très
partiellement et transitoirement améliorée par le cardiopédiatre réanimateur et
constitue la dernière grande urgence du chirurgien cardio-pédiatre.Ces deux urgences
absolues justifient à elles seules tout le projet de diagnostic anténatal et de
coopération intime entre maternité, cardiopédiatrie et chirurgie cardiaque
pédiatrique.
4 - Les anomalies majeures de la circulation pulmonaire: Il s'agit des situations où
une circulation pulmonaire ne peut pas s'installer en raison de résistances vasculaires
pulmonaires très élevées. Nous avons déjà discuté les blocages au retour veineux et
les lésions du cur droit avec atrésie pulmonaire. Il s'agit rarement des
hypoplasies majeures des artères pulmonaires associées ou non à une cardiopathie
(tétralogie de Fallot ou atresie pulmonaire) car le flux pulmonaire est assuré par une
circulation aorto-pulmonaire (bronchique ou grosses collatérales aorto-pulmonaires) en
général suffisante. Il s'agit surtout des situations avec hypoplasie pulmonaire (hernie
de coupole diaphragmatique, oligoamnios, cardiomégalie des Ebstein, etc.) ou des
hypermuscularisations artériollaires pulmonaires (comme dans la constriction anténatale
du canal artériel). On sait chez ces patients que les résistances vasculaires resteront
élevées après la naissance et qu'une réanimation pédiatrique sophistiquée sera
éventuellement nécessaire avec ventilation haute fréquence, NO, ou encore ECMO
(Extra-Corporeal Membran Oxygenation).
Conclusion.
Une analyse fine et concertée entre obstétricien, cardiopédiatre, neonatologiste
réanimateur et chirurgien cardiaque doit permettre d'assurer la surveillance et surtout
la prise en charge néonatale de toutes les cardiopathies diagnostiqués in utero.
1 - Un accouchement prématuré se discute en cas d'évolution défavorable de la
taille ou de la fonction d'un ventricule.
2 - Une césarienne se discute en cas de risque d'hypoxie par inadaptation cardiaque
(BAV lent, anasarque présente).
3 - La naissance doit se faire dans une maternité avec réanimation néonatale, à
proximité immédiate d'un centre spécialisé de cardiopédiatrie pour les transpositions
des gros vaisseaux et les RVPAT (atrio-septostomie de Rashkind et chirurgie) ou encore les
Blocs Auriculo-Ventriculaires (d'une sonde de stimulation endocavitaire).On peut aussi
inclure ici les patients en anasarque ou susceptibles de maintenir des résistances
vasculaires pulmonaires élevées qui doivent bénéficer de techniques de réanimation
sophistiquées telles que la ventilation haute fréquence, le monoxyde d'azote, voire l'
ECMO avec les contrôles cardiopédiatriques spécialisés.
4 - Peuvent n'être transferrées qu'en semi-urgence (après un calin avec la mère)
les pathologies du cur gauche et les pathologies du cur droit à condition de
pouvoir surveiller les patients et les perfuser par les PGE (et donc assumer une
éventuelle apnée).
5 - Doivent rester à la maternité avec les mamans, les autres cardiopathies et en
particulier les shunts gauche-droite sans obstacle aortique et les tétralogies de Fallot
sans atrésie pulmonaire, à condition de pouvoir surveiller le nouveau-né et confirmer
assez rapidement le diagnostic (consultation avec aller-retour).Enfin il est important,
comme on le verra à l'exposé suivant de distinguer la gravité néonatale du pronostic
de la malformation. Des malformations comme la transposition des gros vaisseaux et le
RVPAT bloqué sont des malformations très menaçantes mais hautement curables alors que
le ventricule unique est une malformation non menaçante en période néonatale mais
incurable, ce qui, pour compliquer encore les choses, ne veut pas dire qu'il ne permette
pas une vie prolongée et confortable qui vaille la peine d'être vécue.
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