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2002 > Pédiatrie > prématurité  Telecharger le PDF

Grande prématurité associée à un retard de croissance intra utérin : croissance post-natale comparée

V Millet , U. Simeoni , P Garcia-Meric , V Lacroze et M Leclaire

L'association d'un retard de croissance intra-utérin (RCIU) à la grande prématurité accentue le risque de mortalité et de morbidité neurologique néonatales. La croissance postnatale apparaît également influencée, à moyen terme et à long terme, par l'âge gestationnel (AG), l'importance et le type du RCIU, et par les modalités de sa prise en charge néonatale et pédiatrique.

Conséquences postnatales des différents types de retard de croissance intra utérin sur la croissance :

- Courbes de référence

Si par définition environ 3 % des nouveau-nés présentent un poids et/ou une taille inférieurs aux normes définies par un écart de deux déviations standard par rapport à la moyenne, la définition d'un RCIU n'est pas univoque dans la littérature et dépend des courbes de référence utilisées pour la croissance intra-utérine.

Parmi les courbes les plus fréquemment utilisées en France figurent les courbes de Leroy-Lefort, définies sur une population française de référence en 1971, en Ile de France ;

les courbes de Lubchenco, moins adaptées car définies sur une population nord-américaine de faible niveau socio-économique et vivant à une altitude de 1600 mètres ; plus récemment les courbes établies en France à partir du réseau sentinelle de l'AUDIPOG. De nombreuses autres courbes de référence ont été proposées dans le monde, et des courbes prénatales spécifiques, fondées sur la mesure échographique de grandeurs comme le diamètre bi-pariétal ou le périmètre crânien (PC) fœtal, le diamètre abdominal transverse ou la longueur du fémur sont utilisées en période prenatale.

Il a été montré que, selon la courbe utilisée, une différence de poids de naissance (PN) de 50 grammes pouvait séparer les différentes références pour la définition d'un RCIU chez les enfants grands prématurés. Le RCIU est retenu de façon variable pour les enfants dont les mensurations se situent en dessous du 5ème, ou du 10ème percentile des valeurs de référence, et est considéré sévère lorsque le PN est inférieur au 3ème percentile.

Il est à noter cependant que le troisième percentile des courbes de Leroy-Lefort correspond approximativement au 10ème percentile des courbes de Lubchenco pour une large étendue des âges gestationnels (AG). Il est également important de garder présent à l'esprit que ces courbes sont généralement issues de données recueillies transversalement et non longitudinalement. Peu de valeurs sont généralement disponibles pour définir les RCIU dans les AG les plus faibles, auxquels de nombreux centres de périnatologie sont confrontés de plus en plus fréquemment.

Types de retard de croissance intra-utérin

La définition du RCIU ou d'une hypotrophie fœtale à partir de la seule valeur néonatale d'une grandeur fœtale comme le PN, la taille ou le PC est insuffisante. L'entité représentée par les enfants ayant un PN et/ou une taille trop faibles à la naissance, classiquement dénommée RCIU, ou " small for date " ou " for Gestational Age " (SGA), est en fait hétérogène et rassemble plusieurs types d'enfants :

ceux présentant un PN faible par rapport à leur AG, mais en réalité non altéré car correspondant à leur potentiel propre, et à leur potentiel génétique ;

ceux présentant un PN faible du fait d'une RCIU harmonieux, symétrique (dont le déficit de PN, taille et PC sont proportionnels), de constitution précoce, éventuellement malformatif ;

ceux présentant un PN faible du fait d'une altération de leur potentiel de croissance intra-utérine liée à des facteurs exogènes, placentaires ou maternels notamment, dont le RCIU est dysharmonieux et dont le déficit de PN tend à prédominer par rapport à la taille ou le PC (RCIU asymétrique). L

a prise en compte de facteurs tels que l'âge et les caractéristiques auxométriques de la mère, le sexe, le rang de naissance, qui conditionnent le potentiel de croissance du fœtus, permet d'aboutir au concept plus précis et plus pertinent de Restriction de croissance intra utérine. Le terme de Retard de croissance intra-utérine présente en effet l'inconvénient supplémentaire de laisser présager un simple décalage chronologique d'une croissance par ailleurs normale. Les références utilisées pour définir le RCIU, le type du RCIU et son étiologie conditionnent l'appréciation de la croissance postnatale à court et à long terme des grands prématurés présentant une altération de la croissance intra utérine.

Croissance à court et à moyen terme des enfants présentant un RCIU associé à une grande prématurité:

Il est généralement considéré qu'environ 90 % des enfants présentant un RCIU rattrapent un couloir de croissance staturale considéré comme normal vers l'âge de deux à trois ans. Toutefois, cette proportion pourrait être différente lorsque l'on considère les enfants extrêmement prématurés, pour lesquels moins de données sont disponibles.

S'il est habituellement admis que le nouveau-né à terme ou proche du terme, présentant un retard de croissance dysharmonieux, d'origine exogène, présente le plus souvent une croissance postnatale qui lui permet de rattraper ce retard durant les premières années de vie, la fréquence et l'importance de ce rattrapage postnatal en fonction de l'AG restent incomplètement connues. Il est possible que la proportion d'enfants susceptibles d'effectuer ce rattrapage statural soit réduite proportionnellement au degré de prématurité.

Il apparaît clairement que le plus souvent s'ajoute au RCIU un retard de croissance extra-utérin, indépendant de la croissance intra-utérine, et qui apporte ses propres effets délétères sur la croissance. Il est en effet difficile en pratique d'assurer en période postnatale, en cas de naissance à un AG très faible, une croissance équivalente à la croissance qu'aurait eue le même patient en conditions intra-utérines, soit environ 15 g/kg/j. Ce retard postnatal est dû notamment à la difficulté d'assurer une nutrition postnatale, calorique, protéique et minérale, satisfaisante dès les premiers jours ou semaines de vie.

Les mécanismes hydro-électrolytiques et métaboliques d'adaptation postnatale à la vie extra-utérine, la mise en route progressive d'une nutrition artificielle, parentérale au début, puis entérale , la révélation progressive des complications usuelles de la grande prématurité sont suceptibles de compromettre la croissance postnatale et le rattrapage du RCIU, malgré la soustraction de l'enfant à la cause de celui-ci. Le syndrome de détresse respiratoire, la persistance du canal artériel, l'immaturité du transit digestif et l'entérocolite nécrosante, les infections nosocomiales, sont souvent responsables de ralentissements de la progression postnatale de la nutrition artificielle, parentérale et entérale.. Il est de ce fait essentiel d'assurer un début aussi précoce que possible d'une prise en charge nutritionnelle postnatale complète chez ces patients, tendant vers des apports caloriques de maintenance de 100-110 Cal/kg/j par voir parentérale, et 130 Cal/kg/j par voir entérale ou combinée, avec un apport azoté et minéral adapté. Les apports nutritionnels postnatals de référence habituellement considérés ne tiennent en effet pas compte, ni du besoin de rattrapage de croissance du déficit intra-utérin, ni d'éventuelles phases d'hyper-catabolisme transitoire associées par exemple à un sepsis d'origine nosocomiale.

L'alimentation entérale de ces enfants, réalisée le plus souvent de façon progressive, au moyen de lait féminin, enrichi par des compléments caloriques, protéiques et minéraux à partir du moment où le volume atteint 80 à 100 ml/kg/j, doit également être considérée à la lumière de ces besoins spécifiques. Les volumes de lait féminin nécessaires aux apports optimaux, ne sont atteints généralement que de façon retardée, progressive. Ces apports sont fréquemment compromis par les évènements intercurrents cités plus haut, qui font interrompre le processus d'alimentation entérale, qu'il n'est en général pas possible de suppléer par une voie parentérale, à des niveaux équivalents, sans un court délai de transition.

Lorsque l'enfant n'est pas allaité par sa mère, la transition secondaire vers un lait artificiel pour enfants de très faible PN n'est souvent assurée que pour la durée du séjour hospitalier, des considérations pratiques pouvant empêcher sa prolongation systématique après le retour à domicile. Ces facteurs concourent à créer les conditions d'un déficit de croissance extra-utérin dont les conséquences viennent s'ajouter à celles du RCIU. Il est vraisemblable que la chronologie du développement postnatal comporte une période critique, durant laquelle les conditions nutritionnelles influencent particulièrement les potentiel futur de croissance.

Le lien actuellement établi entre le RCIU et certaines maladies de l'âge adulte, notamment la pathologie vasculaire (maladie coronarienne, hypertension artérielle) et le diabète de type II, suggère une possible " programmation " durant la période fœtale de régulations physiologiques déterminantes, dont l'altération pourrait influencer l'incidence de la pathologie de l'adulte. Il est possible que le rattrapage de croissance puisse ainsi être décalé voire compromis si une " fenêtre postnatale de rattrapage de croissance", dont la durée n'est pas déterminée, n'est pas exploitée durant la période postnatale.

RCIU et croissance à long terme :

Un nombre significatif d'enfants grands prématurés atteints d'un RCIU, du fait de ces facteurs ajoutés et de mécanismes encore incomplètement élucidés, n'effectue pas de rattrapage auxologique au bout de deux à trois ans, et continue de suivre un couloir de croissance staturale inférieur aux valeurs de référence malgré une vitesse de croissance souvent conservée.

Il est admis que ces enfants, qui représentent environ 10 % des enfants atteints de RCIU, n'effectueront pas de rattrapage statural spontané ultérieur. La stature à l'âge de 2 à 5 ans permet une estimation satisfaisante de la stature à l'âge adulte, alors que les prédictions fondées sur l'âge osseux s'avèrent généralement d'une fiabilité limitée.

Bien que ces enfants ne présentent pas de déficit en hormone de croissance, le traitement par GH humaine recombinante (r-hGH), entrepris au-delà des deux premières années de vie, permet une amélioration notable de la croissance staturale et le retour à un couloir normal, sans effets secondaires décelables, avec un suivi actuellement à six ans de traitement.

La dose de GH administrée apparaît le facteur déterminant du succès du traitement, plus que son caractère continu ou discontinu ou le schéma thérapeutique suivi. L'arrêt du traitement par GH conduit cependant ces enfants à ralentir leur vitesse de croissance. La durée optimale de ce traitement reste à être définie, en particulier en prenant en compte les risques, sur le plan théorique car non vérifiés à l'heure actuelle, de survenue d'une puberté précoce ou d'une interférence entre un traitement prolongé par la GH, hormone hyperglycémiante, et l'incidence du diabète de type II à l'âge adulte chez les enfants atteints de RCIU.

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Département de néonatologie, CHU de Marseille