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Titre: Comment éviter en 97 la survenue d'un cancer invasif du col de l'utérus : par la surveillance post-thérapeutique
Année: 1997
Auteurs: - Boulanger J.-Ch
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du col

EVITER LA SURVENUE D'UN CANCER INVASIF DU COL DE L'UTERUS PAR LA SURVEILLANCE POST-THERAPEUTIQUE

J.C. BOULANGER ET J. GONDRY* Centre de gynécologie obstétrique, CHU Amiens.

INTRODUCTION

En théorie il devrait être possible de faire disparaître le cancer du col de l'utérus. En effet, en raison de son histoire naturelle qui s'étale sur de nombreuses années, la pratique du dépistage devrait permettre le diagnostic des lésions précancéreuses. Leur prise en charge devrait réaliser une prévention secondaire efficace du cancer invasif.

En pratique on en est loin et l'incidence en France reste de l'ordre de 15°/°°°° très largement supérieure aux chiffres extraordinairement bas observés en Finlande : 2,7°/°°°° [1].

Plusieurs raisons expliquent ce taux de cancers invasifs malgré le dépistage :

- absence de dépistage pour 30 % de la population ;

- fréquence des frottis faux-négatifs ;

- prise en charge inadéquate des frottis positifs ;

- cancer malgré le traitement des lésions précurseurs.

C'est ce dernier point qui nous retiendra : l'optimisation de la surveillance post-thérapeutique devrait permettre de les réduire.

FREQUENCE DES CANCERS APRES TRAITEMENT DES LESIONS PRECURSEURS

Depuis les premières publications de Sevin [2] et Towsend [3] qui ont attiré l'attention, de nombreux travaux ont permis d'en fixer la fréquence. Ils représentent 1,9 à 3,6 % de tous les cancers invasifs [4] [5]. Rapportés au nombre de CIN traités, il s'agit d'une éventualité rare : 0,2 à 0,8 % [4] [6].

ETIOLOGIE DES CANCERS INVASIFS APRES TRAITEMENT DES LESIONS PRECURSEURS

Il y a trois étiologies possibles qui sont distinguées en fonction de l'intervalle de temps entre le traitement de la lésion précurseur et le moment du diagnostic de cancer invasif :

lésion sous évaluée lors du traitement initial alors qu'elle était déjà invasive : c'est selon Shumsky l'explication lorsque l'intervalle de temps entre le traitement et le diagnostic de cancer est inférieur à 14,5 mois ;

éradication incomplète de la lésion : c'est l'explication la plus probable lorsque l'intervalle est compris entre 14 mois et 5 ans ;

nouveau cancer quand l'intervalle de temps est supérieur à 5 ans.

Bien entendu ces intervalles de temps sont discutables et certains proposent 1 an, 1 à 7 ans et plus de 7 ans.

Nous avons réalisé en 1990 une enquête nationale pour éclairer ce problème. Dans l'impossibilité de contacter tous les gynécologues, chirurgiens ou radiothérapeutes, nous avons adressé un questionnaire aux services de gynécologie des centres hospitaliers universitaires, aux centres de lutte contre le cancer, aux membres de la Société Française de Colposcopie et Pathologie Cervico-Vaginale. Nous avions colligé 26 cas en 1991 [7] et la poursuite de cette enquête par l'envoi de plusieurs relances nous a permis de rassembler à ce jour 90 cas.

Tableau I - Intervalle traitement CIN - diagnostic cancer invasif

C'est donc 73 % des cas après traitement que l'on pourrait peut-être éviter par la surveillance post-thérapeutique.

SURVEILLANCE POST-THERAPEUTIQUE

Situation actuelle

Avant d'envisager les modalités de surveillance, il faut d'abord souligner la difficulté de l'obtenir. Toutes les publications s'accordent pour regretter que l'on s'adresse à une population de femmes jeunes, peu dociles, changeant souvent de résidence donc de thérapeute.

Le tableau 2 montre l'importance de suivis défectueux après traitement des CIN.

Tableau II - Perdues de vues après traitement de lésions précurseurs

Dans notre enquête le diagnostic de cancer invasif est évoqué dans 1/3 des cas devant des signes cliniques et non sur la surveillance colposcopique ou cytologique qui, le plus souvent, n'a pas été réalisée.

Moyens de surveillance

La cytologie serait plus souvent en défaut après le traitement des lésions de CIN, selon Falcone et Ferenczy [11] : 20 % de frottis faux-négatifs. En fait ce chiffre de faux-négatifs s'inscrit dans la fourchette des chiffres de frottis faux-négatifs habituellement rapportés dans la littérature [12]. Dans notre enquête les chiffres sont encore plus importants puisque de 25,8 %.

La colposcopie est indispensable puisqu'elle a permis le diagnostic des cancers invasifs occultes dans les 25,8 % des cas de notre série où le frottis était en défaut. Mais nous n'avons pas de renseignements suffisants dans notre enquête pour dire si elle n'a pas été employée plus tôt ou si elle était en défaut dans ces mêmes cas avant que la lésion ne devienne invasive. Selon Falcone et Ferenczy, le recours systématique à la colposcopie couplée au frottis ferait tomber le taux de faux-négatifs de 20 à 3 %.

Il faut souligner les difficultés de la surveillance colposcopique post-thérapeutique. Celles-ci ne sont pas le fait des modifications épithéliales qui peuvent survenir. Rarement, il peut s'agir de tableaux équivoques comme nous l'avons observé dans un cas avec une épithélialisation normale recouvrant presque complètement une lésion incomplètement éradiquée. En fait, la colposcopie est souvent non concluante en raison de la difficulté à voir la jonction squamo-cylindrique. En effet, les sténoses du col sont fréquentes après traitement et les chiffres de la littérature vont de 0,8 à plus de 25 % [13], [14].

Modalités optimales de surveillance

Avant de traiter une lésion précurseur du col utérin, il est important d'insister sur la nécessité de surveillance ultérieure scrupuleuse. Trop souvent, on entend dire que dans les lésions de bas grade il faut traiter les patientes qu'on n'est pas sur de pouvoir surveiller ultérieurement. Dans notre enquête 21 cancers invasifs apparaissent après traitement d'une lésion de bas grade. Il est important d'établir avec sa patiente un véritable contrat précisant le rythme et les modalités de la surveillance ultérieure. Bien qu'un délai de 6 semaines soit trop précoce pour juger valablement de la guérison, ce premier contrôle permettra dans quelques cas de lever sans difficulté une éventuelle synéchie de l'orifice cervical.

Le premier contrôle effectif de la qualité de traitement doit être fait entre trois et quatre mois. Il doit être colposcopique et cytologique mais il nous paraît important de ne pas mettre en oeuvre les deux méthodes dans la même séance : l'épithélium jeune est fragile, la colposcopie est souvent impossible après l'abrasion d'un frottis. Nous avons l'habitude de les réaliser à un mois d'intervalle. Si une sténose interdit la visualisation de la jonction squamo-cylindrique, la colposcopie n'est pas concluante. Il faut alors réaliser une stomatoplastie bi-commissurale. Celle-ci permet de retrouver la visibilité de la jonction dans 2/3 des cas de notre série. En cas d'échec, il faudra se contenter d'une surveillance uniquement cytologique.

Puis la surveillance dépendra de deux paramètres :

- résultat du premier contrôle colposcopique et cytologique ;

- caractère in sano ou non in sano de la section en cas de conisation ou d'électro-résection. En effet, le risque de récidive est de 2 à 3 % en cas de section in sano, de 9 à 55 % en cas de section non in sano [15].

En pratique, plusieurs situations peuvent se présenter :

1. traitement destructeur ou exérèse in sano, premier contrôle colpo-cytologique normal : nouveau contrôle à six mois puis rythme annuel ;

2. exérèse non in sano et cytologie et colposcopie concluante normale : surveillance tous les trois à quatre mois pendant un an puis rythme annuel ;

3. anomalie cytologique et/ou colposcopique significative : nouveau traitement ;

4. anomalie colposcopique et/ou cytologique non significative : surveillance tous les trois mois pendant un an et nouveau traitement en l'absence de régularisation.

Combien de temps poursuivre cette surveillance annuelle ?

Robertson à propos de 896 CIN3 traités n'observe aucune récidive au-delà de sept ans. Il nous semble donc devoir imposer la surveillance colpo-cytologique annuelle pendant sept ans dans tous les cas. Au-delà de ce délai, si la jonction squamo-cylindrique est bien visible, frottis tous les trois ans et colposcopie les années intercalaires, si la jonction n'est pas visible, frottis annuel.

CONCLUSION

La surveillance post-thérapeutique est difficile à obtenir. Même si les cancers invasifs après traitement des lésions précurseurs sont rares, il est indispensable d'en expliquer l'absolue nécessité. Une surveillance optimale permettra de diagnostiquer après traitement des lésions précurseurs les échecs ou récidives avant qu'elles ne deviennent invasives.

BIBLIOGRAHIE

[1] NIEMINEN P., kallio M., HAKAMA M. : The effet of mass screening on incidence and mortality of squamous and adenocarcinoma of cervix uteri. Obstet. Gynecol., 1995, 85,6 : 1017-1021.

[2] SEVIN B.U., FORD J.H., GIRTANNER R.D., HOSKINS W.J., NG A.P.B., NORDQVIST S.R.B., AVERETTE H.E. : Invasive cancer of the cervix after cryosurgery. Obstet. Gynecol., 1981, 53 : 465-471.

[3] TOWSEND D.E., RICHART R.M., MARKDS E., NIELSEN J. : Invasive cancer following outpatient evaluation and therapy for cervical disease. Obstet. Gynecol., 1985, 57 : 145-149.

[4] CULLIMORE J.E., ROLLASON T.P., LUESLEY D.M., WARD K., WADDELL C., JORDAN J.A. : Invasive cervical cancer after laser vaporization for cervical intraepithelial neoplasia : a 10 year experience. J. Gynecol. Surgery, 1990, 6, (2) : 103-110.

[5] SHUMSKY A.G., STUART G.C.E., NATION J. :Carcinoma of the cervix following conservative management of cervical intraepithelial neoplasia. Gynecol. Oncol., 1994, 53 : 50-54.

[6] PEARSON S.E., WHITTAKER J., IRELAND D., MONAGHAN JM. : Invasive cancer of the cervix after laser treatment. Br.J. Obstet. Gynaecol., 1989, 96 : 486-488.

[7] BOULANGER J.C., GONDRY J., BAAKLINI N. : Cancer invasif après traitement conservateur des lésions épithéliales du col utérin. Résultats d'une enquête nationale. Gynécologie, 1991, 42,(3) : 190-192.

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[11] FALCONE T., FERENCZY A. : Cervical intraepithelial neoplasia and condyloma : an analysis of diagnostic accuracy of posttreatment follow up methods. Am. J. Obstet. Gynecol. 1986, 154 : 260-4

[12] KOSS G.L. : Le frottis de Papanicolaou pour le dépistage du cancer cervical une victoire et une tragédie. JAMA supplément gynécologie, 1989, 14, 184 : 15-27.

[13] LARSSON G., GULLBERG B., GRUNDSELL M. : A comparison of complications of laser and cold knife conisation. Obstet. Gynecol., 1983, 62,2 : 213-217.

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[15] BURGHARDT E., HOLZER E. : Treatment of cacinoma in situ : evaluation of 1609 cases. Obstet. Gynecol., 1980, 55,5 : 539-545.

J.C. BOULANGER ET J. GONDRY* Centre de gynécologie obstétrique, CHU Amiens.