Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Physiopathogénie des fibromes utérins
Année: 2002
Auteurs: - Audebert A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Fibromes

PHYSIOPATHOGENIE DES FIBROMES UTERINS

Alain AUDEBERT

IGF1 35, rue Turenne-Bordeaux


INTRODUCTION

De localisation très variable au sein de l'utérus, le léiomyome utérin, est une tumeur mésenchymateuse développée aux dépens du muscle lisse et souvent séparée du myomètre normal par une pseudo-capsule liée à la condensation du tissu conjonctif.
L'origine unicellulaire (monoclonale) de chaque myome est aujourd'hui bien admise (1) : ainsi deux myomes chez la même patiente, provenant donc de cellules différentes, peuvent donc avoir une évolution tout à fait différente.

Ce sont les tumeurs pelviennes bénignes les plus fréquentes, touchant de 25 à 30 % des femmes durant leur période d'activité génitale (2).

Bien qu'asymptomatiques dans près de 50 % des cas, ils représentent, néanmoins encore, la première cause d'hystérectomie pour lésion bénigne (environ 2/3 des cas). Heureusement, des méthodes thérapeutiques moins invasives sont disponibles, tout au moins pour certaines localisations.

L'hormono dépendance des fibromes utérins est bien établie depuis de nombreuses années. Il a fallu attendre cette dernière décennie pour qu'enfin on applique des outils modernes à l'étude de ces lésions, afin de mieux comprendre leur physiopathologie.
Cette meilleure connaissance peut conduire, éventuellement, à la mise au point de nouvelles approches thérapeutiques, voire à une prévention primaire efficace, au moins dans les populations à risque.

Avant d'aborder les connaissances récentes sur la physiopathologie, il paraît utile de rappeler quelques données épidémiologiques, apportant des arguments qui viennent corroborer les mécanismes, hypothétiques ou non, qui seront envisagés.

RAPPEL EPIDEMIOLOGIQUE

Nous avons rappelé la grande fréquence des myomes, qui affectent 20 à 25% des femmes (2) et près de 40% de celles de plus de 40 ans(3).
Si l'on étudie les pièces d'hystérectomie, qu'il y ait ou non des antécédents cliniques évoquant la présence de fibromes, des lésions sont retrouvées dans 77 % des cas. Leur fréquence réelle apparaît donc beaucoup plus grande que celle estimée cliniquement (4).
Ils apparaissent aussi rarement isolés et les localisations multiples sont fréquentes.

On retrouve des fibromes chez environ 5 % des femmes infertiles, mais le fibrome peut être considéré comme la cause de l'hypofertilté dans environ 3 % des cas seulement (2).
La dégénérescence maligne touche près de 0,5 % des myomes.
Enfin les femmes noires semblent être 2 à 3 fois plus souvent affectées.

Les facteurs de risque ont été bien identifiés par différentes études épidémiologiques.
lIs sont rappelés sur le tableau II et confirmés par deux études épidémiologiques récentes (Tableau III). La connaissance de ces facteurs en cause permet de mieux discerner les populations à risque, mais pour lesquelles on n'a pas démontré l'efficacité d'éventuelles mesures préventives (il paraît difficile de recommander le tabagisme!!).Les données concernant un rôle protecteur éventuel de l'utilisation de la pilule sont controversées, et
celles du DIU libérant du lévonorgestrel non encore validées bien que probables.

Ces notions épidémiologiques reflètent néanmoins le rôle du milieu hormonal et apportent des arguments pour l'estrogéno-dépendance des myomes utérins (5).

Tableau II. : Facteurs de risques admis des myomes utérins

Prédisposants Protecteurs
Nulliparité Post-ménopause
Préménopause Multiparité
Obésité Faible BMI
Ethnie Tabagisme
Menstruations précoces Exercice physique
Education élevée Pilule?
Utilisation de DIU cuivre DIU lévonorgestrel
Hypertension  

Tableau III : Données de deux études épidémiologiques(28,29)

  RR
(Ros 1986 (6))
RR
(Parazzini 1998 (7))
Nulliparité - 1
Parité >5 0,24 -
Parité<3 - 0,5
Age 1 ère menstruation <12 - 1
>15 - 0,8
Poids >70 ks 2,82 -
Post-ménopause 0,18 1,1
Tabac(>15 cig/J.) 0,65 0,5

PHYSIOPATHOLOGIE

Elle fait l'objet actuellement de multiples recherches, grâce à l'utilisation des outils en biologie moléculaire et, maintenant, on discerne mieux les différents enjeux.
Les constatations cliniques classiques (apparition des fibromes à la puberté, régression durant la ménopause, aggravation durant la grossesse, plus grande fréquence en cas d'obésité....) soulignent les relations entre myome et milieu hormonal estrogènique.
En fait de nombreux autres facteurs plus récemment identifiés jouent aussi un rôle.
Nous les aborderons en les regroupant dans des catégories arbitraires (les interactions sont nombreuses entre eux) avec, comme arrière-pensée, les grands modes thérapeutiques qui peuvent en découler.

FACTEURS HORMONAUX

Ils sont variés, mais trop longtemps on a focalisé uniquement sur le rôle des estrogènes.

1-Les estrogènes

Ils ont un effet mitotique bien admis, médié en grande partie par les facteurs de croissance par une régulation autocrine et paracrine. L'estradiol (E2) stimule, expérimentalement, la croissance des cellules musculaires lisses de l'utérus (8). Les cellules des myomes ont une activité mitotique accrue en comparaison avec celle du myomètre et une apoptose diminuée (9).
Si les taux plasmatiques d'estradiol ne sont pas forcément élevés, on reconnaît le rôle essentiel d'un milieu hyperestrogénique local (concentrations plus élevées d'E2, d'estrone et leurs sulfates). Il résulte d'anomalies métaboliques, comme la moindre conversion d'E2 en estrone, et de concentrations plus fortes de cytochrome P450 (aromatase) (8). D'ailleurs, on note souvent au niveau de l'endomètre proche d'un myome sous-muqueux une certaine hyperplasie.

Enfin les concentrations en récepteurs à E2 (RcE2 alpha et bêta) sont plus fortes dans les myomes que dans le myomètre normal (10).

Les thérapeutiques visant à diminuer le volume des myomes cherchent à induire une hypo estrogènie, au niveau plasmatique (analogues de la Gn-RH) ou localement au niveau du tissu myomateux.

Les estrogènes ont donc une activité stimulatrice pour la croissance de la cellule myomateuse, par ailleurs davantage apte à répondre à cette stimulation.

2-La progestérone

Le rôle de la progestérone (P) est plus équivoque.

Au cours de la phase lutéale l'activité mitotique des myomes est accrue (11). Expérimentalement, en culture cellulaire, la progestérone a un effet stimulateur sur le léiomyome (12).
Au niveau des myomes, on constate une concentration plus élevée en RcP et une expression plus forte de l'ARN messager (ARNm) de la progestérone (13).
La progestérone augmente significativement la production de Bcl-2 (anti-apoptotique) par la cellule musculaire lisse (14).

Cliniquement une augmentation du volume des fibromes a été observée en cas d'administration de fortes doses de progestatifs (15). Les analogues de la Gn-RH entraînent une réduction variable du volume des myomes, elle est diminuée, voir supprimée, si l'on associe un progestatif ("add-back therapy"). Enfin l'administration d'un agent antiprogestérone (RU 486 à la dose de 25 mg/J.) réduit de 50 % le volume des myomes (16).

Toutes ces données sont en faveur d'un rôle trophique de la progestérone vis-à-vis des myomes et d'une inhibition de la mort cellulaire programmée.

3-La prolactine

La prolactine est synthétisée par le tissu myomateux ; elle a les mêmes caractéristiques biologiques et immunologiques que celle d'origine hypophysaire (17) .
Son activité mitotique s'exerce au niveau de la cellule du myome et sur les cellules myométriales normales. Elle se comporte donc comme un facteur de croissance autocrine ou paracrine (18). Les estrogènes tendent à accroître sa sécrétion, alors que la progestérone exerce un effet suppresseur.

FACTEURS DE CROISSANCE

L'implication des facteurs de croissance, souvent régulés par les stéroïdes, est de plus en plus évidente. Certains ayant une activité angiogènique prédominante seront analysés dans le chapitre consacré à ce sujet.

1-Epidermal Growth Factor (EGF)

Des récepteurs de l'EGF ainsi de l'ARNm pour EGF ont été identifiés au niveau des myomes (19,20), ils augmenteraient sous l'influence d'E2.
La progestérone augmente l'EGF, alors que l'effet d'E2 serait plutôt négatif.
L'expression de l'ARNm pour l'EGF est aussi augmentée en phase lutéale (21).
Il semblerait donc, que l'action des estrogènes sur la croissance des fibromes soit immédiatement induite en partie par l'EGF, dont les récepteurs sont plus sensibles à la régulation par les estrogènes.
L'EGF est par ailleurs capable de stimuler la synthèse d'ADN par les cellules myomateuses en culture (22).

2-Insuline-like Growth Factors (IGF)

Une deuxième famille de facteurs de croissance est celle des IGF.
IGF-I et IGF-II sont produits par les cellules de l'utérus et leur expression est contrôlée par les hormones stéroïdiennes ovariennes.
Les récepteurs de l'IGF-I ont une concentration augmentée en comparaison avec le myomètre (23), et les fibromes expriment l'ARNm à la fois pour IGF I et IGF II (24).
Des études in vitro ont montré qu'IGF-I avait une action mitogène pour les cellules myométriales et les cellules myomateuses (25).
L'expression d'IGF-1 diminue notablement chez les femmes traitées par un agoniste de la Gn-RH (26).

3-Platelet Derivated Growth Factor (PDGF)

Le léiomyome exprime aussi l'ARNm pour PGDF (22). L'action mitogène d'IGF-I in vitro est accentuée par l'association avec EGF et PDGF (23). Ce facteur de croissance a aussi une action angiogénique.

4-Hormone de croissance

Enfin des récepteurs à l'hormone de croissance (HG) ont été identifiés au niveau des myomes (27).
Expérimentalement dans divers modèles animaux, HG stimule la croissance utérine.
Mais le rôle d'HG dans la physiopathogénie des fibromes humains reste encore incertain.

La plupart de ces facteurs interviennent dans la croissance des fibromes. On peut alors imaginer l'utilisation d'agents bloquant leur action, comme cela a été essayé pour les cicatrices chéloïdes avec anticorps anti IGF-1 (28).

FACTEURS ANGIOGENIQUES

Les fibromes ont une vascularisation riche. On peut même considéré que leur vascularisation est anormale tant au plan structurel que fonctionnel. Cette dysrégulation apparaît comme un élément déterminant de cette affection. Il est normal que des facteurs angiogéniques soient fortement impliqués dans la régulation de la croissance des myomes.
On connaît le rôle des estrogènes sur la vascularisation utérine, facilement mesuré par Doppler couleur au niveau des artères utérines.
Les principaux facteurs angiogèniques sont le Fibroblast Growth Factor (FGF), le PDGF, le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF), l'Heparin-Binding Epidermal Growth Factor (HBEGF) et l'Hepatoma-Derived Growth Factor (HDGF) (29).

1-Vascular Endothelial Growth Factor

Le myome exprime l'ARNm pour VEGF (30). VEGF apparaît aujourd'hui comme assez puissant stimulateur de la prolifération myométriale (31).
L'expression de VEGF ne paraît pas régulée par les stéroïdes ovariens.

2-Heparin-Binding Growth factors

Divers HBGF sont produits par le myome et le myomètre normal (29). Ces facteurs de croissance sont non seulement capables de stimuler fortement le développement des cellules endothéliales, mais aussi de stimuler la croissance des cellules musculaires lisses (29).

Comme en oncologie, il est possible d'envisager l'utilisation d'agents inhibiteurs des facteurs angiogèniques (interférons), et en particulier, des HBGF pour le traitement des fibromes utérins. Une étude pilote, portant sur 20 patientes traitées par interféron alpha, a montré que le volume utérin était significativement diminué, parfois dès la première semaine de traitement (32).

MATRICE EXTRACELLULAIRE

Les léiomyomes contiennent de grandes quantités de matrice extracellulaire. Ils contiennent 50 % de collagène de plus que le myomètre correspondant. Cette composante joue donc un rôle non négligeable, au moins en termes de volume, dans la réponse potentielle aux différents agents thérapeutiques utilisés.

La matrice extracellulaire est essentiellement composée de divers types de collagènes, de protéoglycans et de fibronectine (29).

Elle semble présenter des différences de composition par rapport au myomètre normal : il y a 50 % de plus de collagène type V et moins de collagène type III en raison d'un métabolisme accru.
La régulation de la matrice extracellulaire par les stéroïdes n'est pas encore aujourd'hui démontrée.

Un facteur de croissance le Transforming Growth Factor bêta (TG- bêta) est impliqué dans la réparation des cicatrices et dans certaines maladies fibrotiques (29). TGF-bêta1 et TGF-bêta3 ont une action inhibitrice vis-à-vis de la prolifération des cellules musculaires lisses du myomètre normal. Au contraire, au niveau de la cellule myomètriale, TGF-bêta1 n'est plus inhibiteur et TGF-bêta3 exerce au contraire une action stimulatrice sur la prolifération (33).
Les fibromes ont une expression pour TGF-bêta3 3,5 à 5 fois plus élevés que dans le myomètre correspondant (33).

Il semble donc exister au niveau des fibromes une dysrégulation de ces facteurs de croissance. Elle est comparable à celle des cellules musculaires lisses de la paroi artérielle en cas d'athérosclérose ou au niveau des fibroblastes des cicatrices chéloïdes (29). Cette similitude avec certaines maladies fibrotiques permet d'anticiper de nouvelles modalités thérapeutiques, avec l'utilisation d'agents antifibrotiques. Deux produits (pirfenidone et halofuginone) ont ainsi été testés in vitro, montrant des effets inhibiteurs intéressants (29).

Les protéines trans-membranaires (constituant des " gap junction "), appelées connexines (Cx), peuvent aussi jouer un rôle sur l'inhibition de la croissance cellulaire (34). La stimulation de l'activité mitotique induite par la progestérone pourrait résulter d'une diminution temporaire de l'expression de la Cx-43 (34). La présence de Cx-43 dans les cellules myomateuses pourrait constituer l'un des facteurs empêchant la dégénérescence des fibromes.

FACTEURS GENETIQUES

Les recherches dans le domaine génétique se sont développées principalement au cours de cette dernière décennie.

Des observations anciennes ont suggéré la possibilité du caractère héréditaire des myomes. Un syndrome associant des léiomyomes utérins et cutanés observés dans une même famille semble lié à une transmission sur un mode autosomique dominant (35). Des recherches détaillées dans les familles affectées par ce syndrome devraient permettre d'identifier le gène en cause.

Pour les myomes eux-mêmes, leur grande hétérogénéité laisse penser que de nombreux locis sont impliqués, ce qui rendra l'identification des anomalies plus difficile.

Deux aspects sont concernés : la prédisposition à la survenue de myomes et les modifications cytogénétiques du clone cellulaires d'un myome favorisant sa croissance et éventuellement sa dégénérescence maligne. Les données concernent essentiellement le premier aspect. La recherche de gènes de susceptibilité est en cours, mais aucun gène prédisposant pour leur survenue n'a encore été identifié.

Comme beaucoup de tumeurs mésenchymateuses, les myomes sont l'objet de nombreuses mutations somatiques.

Près de 50 % des myomes, selon la technique utilisée, présentent des anomalies clonales (36). Ce sont surtout les lésions ayant une forte activité mitotique qui sont le plus prédisposées à présenter des mutations.
Les aberrations cytogénétiques décrites sont multiples et hétérogènes, impliquant principalement les chromosomes 1, 6, 7, 12, 13, 14 et 19 (37), expliquant l'hétérogénéité de ces tumeurs mésenchymateuses.
Les principales anomalies observées sont à type de délétion, de translocation et de duplication (38). Nous n'envisagerons que quelque unes d'entre elles.

1-Translocation entre les chromosomes 12 et 14

La translocation équilibrée entre les chromosomes 12 et 14 est la plus fréquemment retrouvée dans les léiomyomes utérins (35, 38).

La translocation t (12;14) (q15;q24.1) perturbe le gène hREC2 (39). Le gène humain du récepteur à l'estradiol bêta (ESR2) est en effet situé sur le locus 14q23-24.1 ; il est donc situé au voisinage du site de la translocation t (12 ;14). Il est ainsi possible de spéculer qu'ESR2 soit dérégulé par cette translocation chromosomique et que ce mécanisme soit impliqué dans la pathogénie des fibromes (40).
On retrouve des réarrangements de la région q14-q15 dans de nombreuses autres tumeurs mésenchymateuses (41).
Certaines anomalies ont été retrouvées dans diverses autres lésions (fibrome ovarien, fibrothécome ovarien...) ce qui suggère l'implication d'un gène situé sur le chromosome 12 dans ces processus néoplasiques.

Les régions sur le chromosome 14, impliquées dans la translocation t (12;14) (q15;q24.1) présentent un grand intérêt, car elles sont assez spécifiques des fibromes (Gross).
Ainsi le gène RAD5ILI, gène de réparation de la recombinaison de l'ADN, est situé sur le chromosome 14, son éventuel rôle demande à être élucidé (41).

2-Chromosome 7

Il a été aussi identifié des délétions interstitielles du bras long du chromosome 7.
La délétion 7q22 est retrouvée dans environ 35 % (128/366) des cas étudiés présentant une anomalie génétique (42). Cette délétion a été aussi retrouvée dans d'autres tumeurs (par exemple la leucémie myéloïde aiguë) suggérant qu'un gène suppresseur tumoral puisse être localisé dans cette région (42).

Le gène CUTL 1 est l'un des gènes situés sur 7q22. Il a été démontré qu'il encode un répresseur transcriptionnel qui réduit l'expression de c-MYC (l'activation du potentiel oncogènique de c-MYC a été identifiée dans de nombreux cancers). CUTL 1 pourrait ainsi agir comme un gène suppresseur tumoral (42). Une analyse portant sur 50 léiomyomes utérins, a montré que les niveaux de d'ARN messager de CUTL 1 étaient abaissés dans 8 tumeurs sur 13, par analyse Northern blot ; on peut ainsi penser que CUT L1 peut agir comme un gène suppresseur dont l'inactivation serait susceptible d'intervenir dans la pathogénie des léiomyomes utérins (42).

Certaines anomalies ont été retrouvées dans diverses autres lésions (fibrome ovarien, fibrothécome ovarien...) ce qui suggère l'implication d'un gène situé sur le chromosome 12 dans ces processus néoplasiques.

Les délétions portant sur les chromosomes 7 et 13 peuvent conduire à la perte des gènes suppresseurs et ainsi à la progression de la tumeur.

L'observation fréquente de délétions interstitielles du bras long du chromosome 7 peut laisser supposer la perte de fonction d'un ou plusieurs gènes supresseurs, mais aucun gène candidat potentiel n'est encore identifié au niveau de la région 7q22.

3-Protéines du groupe de haute mobilité

Enfin deux gènes sont directement impliqués dans la pathogénie des tumeurs mésenchymateuses. Il s'agit des gènes HMGI-Y et HMGI-C qui appartiennent au groupe des protéines à forte mobilité (high mobility proteins ou HMG).

Ces protéines non-histone, associées à la chromatine, sont caractérisées par une grande mobilité dans les gels polyacrylamides. Des études récentes ont montré que HMGI-Y et HMGI-C sont des éléments importants, ayant un rôle dans la régulation de la fonction et de la structure de la chromatine (43). Elles sont, en effet, responsables, avec d'autres protéines HMG, de la configuration tridimensionnelle correcte des complexes protéine-ADN, jouant ainsi un rôle essentiel dans la transcription de l'ADN.
Il a été montré récemment que le gène encodant pour HMGI-C est altéré par les réarrangements au niveau de 12q13-15, anomalie aussi fréquemment retrouvée au niveau des fibromes (41).

De même, le locus 6p21, localisation du gène HMGI-Y, est fréquemment le siège de réarrangements dans les fibromes.

Ces constatations conduisent à penser que les deux gènes HMGI-C et HMGI-Y jouent un rôle dans le développement des léiomyomes utérins.
Normalement chez l'adulte, l'expression de ces protéines est absente ou très faible au niveau des tissus différenciés.
Dans une étude portant sur 33 femmes devant subir une hystérectomie pour fibrome, il a été démontré pour la première fois que 48,5 % des léiomyomes analysés présentaient une forte expression pour HMGI-C et HMGI-Y soit isolément soit de manière associée (44). Cela peut conduire à penser que les cellules des léiomyomes utérins représentent une forme dédifférenciée des cellules musculaires lisses du myomètre.

Enfin, HMGI-Y et HMGI-C sont probablement les gènes dont les modifications sont les plus souvent impliquées dans les néoplasmes (45).

4-Léiomyosarcomes

Avec des techniques plus sophistiquées, des anomalies chromosomiques sont retrouvées dans 66,7 % des léiomyosarcomes (8/12) analysées (46).

Dans une analyse par hybridization gènomique comparative, évaluant 14 léiomyomes et 8 léiomyosarcomes, 2 léiomyomes seulement ont démontré des altérations, réduites à une des pertes sur les chromosomes 1 et 4 et des gains sur les chromosomes 14 et 19.

Au contraire, tous les léiomyosarcomes ont montré de multiples aberrations (47) ; ces constatations n'apportent pas de preuve pour affirmer la progression des léiomyomes bénins vers les léiomyosarcomes et suggèrent que dans la genèse de ces derniers une instabilité génétique accrue joue un rôle important.

De même, 8 léiomyosarcomes sur 14 présentent une perte d'hétérozygocité sur le chromosome 10, alors qu'aucun des 13 léiomyomes examinés ne présente cette anomalie (48).

SYNTHESE

On peut distinguer 4 aspects dans la pathogénie des myomes utérins :

1-Prédisposition génétique :

On a toutes les raisons de penser qu'il existe une prédisposition génétique. Mais, à ce jour, aucun gène de susceptibilité n'a pu être identifié. La recherche est en cours…..

2-Initiation du développement :

Les facteurs en cause dans l'initiation du myome restent encore méconnus. Une fois encore, des facteurs génétiques apparaissent comme les déterminants les plus probables.

3-La croissance des myomes :

Les facteurs impliqués dans la croissance des myomes sont mieux identifiés. Il est possible de schématiser, malgré les nombreuses interactions entre elles, en distinguant 3 dysrégulatiions principales :

a-Dysrégulation de la cellule myométriale :
La cellule musculaire lisse est pourvue de tout l'équipement pour entretenir un climat local hyper estrogénique favorisant sa croissance. Les estrogènes exercent leur action mitogène par la mise en jeu de divers facteurs de croissance. Elle apparaît aussi plus sensible à leur action. L'activité mitotique intense contribue à l'apparition des diverses mutations et altérations génétiques, elles-mêmes capables d'induire des dysrégulations, favorisants à leur tour la croissance, et dans certains cas la transformation maligne.
b-Dysrégulation de la vascularisation :
La vascularisation des myomes est structurellement et fonctionnellement anormale, elle résulte de l'action de divers facteurs angiogèniques, dont certains ont d'ailleurs aussi une action stimulant la prolifération.
c-Dysrégulation de la matrice extracellulaire :
Sa composition est différente de celle du myomètre normal. Le système des TGF est dysrégulé, avec la disparition de son activité inhibitrice remplacée par une action stimulatrice sur la cellule musculaire lisse.

4-La transformation maligne

Elle semble dépendre de divers facteurs oncogènes et probablement de mutations somatiques mettant en jeu des altérations de divers gènes suppresseur bien connus.

CONCLUSION

Cette brève revue montre la complexité de la croissance des myomes.
Les facteurs hormonaux, les facteurs de croissances et les facteurs angiogèniques jouent un rôle d'autant plus important qu'il existe des dysrégulations dans tous les compartiments des myomes. Certaines d'entre elles sont probablement la conséquence d'anomalies génétiques
affectant divers gènes clés de la régulation des tumeurs, en particulier mésenchymateuses.
Ces connaissances permettent d'entrevoir diverses approches thérapeutiques nouvelles.
L'initiation reste toujours aussi mystérieuse, et les gènes de susceptibilité n'ont pas encore été identifiés.

MOTS CLES : Léiomyomes utérins-Physiopathogénie-Facteurs de risque

BIBLIOGRAPHIE:

1-Towsend DE, Sparks RS, Baluba MC. Unicellular histogenesis of uterine leiomyomas as determined by electrophoresis of glucos-6-phosphaste dehydrogenase. Amer J Obstet. Gynecol 1970 ; 107 : 1168-1173.
2- Buttram VC, Reiter JC. Uterine leiomyomata:etiology,symptomatology and management. Fert Ster 1981 ; 36 : 433-445.
3-Rubin I.C.Uterine fibromyomas and sterility.Clin Obstet Gynecol 1958 ; 1 : 501-508.
4-Newbold RR, Di Augustine RP, Risinger JI, Everitt JI, Walmer DK, Parrott EC, Dixon D
Advances in uterine leiomyoma research: conference overview, summary, and future research recommendations. Environ Health Perspect 2000 ; 108 : 769-773.
5-Schwartz SM, Marshall LM, Baird DD. Epidemiologic contributions to understanding the etiology of uterine leiomyomata. Environ Health Perspect 2000 ; 108 : 821-827.
6-Ross RK, Pike M.C, Vessey M et al. Risk factor for uterine fibroids:reduced risk associated with oral contraceptives. Br Med J 1986,293:359-362.
7-Parazzini F, La Vecchia C, Negri E, Cecchetti E, Fedele L. Epidemiologic chararcteristics of women with uterine fibroids:a case-control study.Obstet.Gynecol.,1988,72:853-857.
8-Sumitani H, Shozu M, Segawa T et al. In situ estrogen synthesized by aromatase P450 in uterine leiomyoma cells promotes cell growth probably with an autocrine paracrine mechanism. Endocrinology 2000 ; 141 : 3852-3861.
10-Burroghs KD, Fuchs-Young R, Davis B et al. Altered hormonal responsiveness of proliferation and apoptosis during myometrial maturation and the development of uterine leiomyoma and its up-regulation in the rat. Biol Reprod 2000 ; 63 : 1322-1330.
10-Benassayag C, Leroy MJ, Rigourd V, Robert B, Honore JC, Mignot TM, Vacher-lavenu MC Chapron C, Ferre F. Estrogen receptors (ER alpha/ ER beta) in normal and pathological growth of the human myometrium pregnancy and leiomyoma. Am J Physiol 1999 ; 276 : 1112-1118.
11-Kawagushi K, Fujii S, Konishi I et al. Mitotic activity in uterine leiomyomas during the menstrual cycle. Amer J Obstet Gynecol 1989 ; 160 : 637-641.
12-Cramer SF, Robertson AL, Ziats NP, Pearson OH. Growth potential of human uterine leiomyomas:some in vitro observations and their implications. Obstet Gynecol 1985 ; 66 :36-41.
13-Brandon DD, Bethea C.L.,Strawn E.Y. et al. Progesterone receptor messenger ribonucleic acid and protein are overexpressed in human leiomyomas. Amer J Obstet Gynecol 1993 ; 169 : 78-85.
14-Matsuo H, Maruo T, Samoto T. Increased expression of Bcl-2 protein in humane uterine leiomyoma and its up-regulation by progesterone. J Clin Endocrinol Metabol 1997 ; 82 : 293-299.
15- Harrison-Woolrych M.L.,Robinson R.Fibroid growth in response to high-dose progestogen. Fertil Steril 1995 ; 64: 191-192.
16-Murphy A.A.,Kettel .L.M.,Morales A.J.,Roberts V.J.,Yen S.S.C.Regression of uterine leiomyomata in response to antiprogesterone RU 486. J Clin Endocrinol Metab 1993 ; 73 : 513-517.
17-Daly DC, Walters CA, Prior JC et al. Prolactin production from proliferative phase leiomyoma. Am J Obstet Gynecol 1984 ; 148 : 1059-1063.
18-Nowak RA, Mora S, Dielht T, Rhoades AR, Stewart EA. Prolactin is an autocrine or paracrine growth factor for human myometrial and leiomyoma cells ; Gynecol Obstet Invest 1999 ; 48 : 127-132.
19-Tommala P, Pekonen F, Rutanen EM. Binding of epidermal growth factor and insuline-like growth factor I in human myometrium and leiomyomata. Obstet Gynecol 1989 ; 74 : 658-662.
20-Yeh J , Rein M, Nowak R. Presence of messenger ribonucleic acid for epidermal growth factor (EGF) and EGF receptor demonstrable in monolayer cell cultures of myometria and leiomyomatas. Fertil Steril 1991 ; 67 : 997-1000.
21-Harrison-Woolrych ML, Charnock-Jones DS, Smith SK. Quantification of messenger ribonucleic acid for epidermal growth factor in human myometrium and leiomyomata using reverse transcriptase polymerase chain reaction. J Clin Endocrinol Metab 1994 ; 78 : 1179-1184.
22-Rein M.S.,Nowak R.Biology of uterine myomas and myometrium in vitro. Sem Reprod. Endocrinol.,1992,10:310-319.
23-Hoppener JWM , Mosselman S, Rohol PJM et al. Expression of insuline-like growth factor -I and -II genes innhuman smooth muscle tumors. EMBO1988 ; 7 : 1379-1385.
24-Boehm K.D.,Daimon M.,Gorodeswski I.G. et al.Expression of the insulin-like and platelet derivated growth factor genes in human uterine tissues. Mol.Reprod Dev.,1990,27:903-911.
25-Strawn Jr EY, Novy MJ, Burry KA et al. Insuli-like growth factor-I promotes leiomyoma cell growth in vitro. Am J Obstet gynecol 1995 ; 172 : 1837-1844.
26-Englund K, Lindblom B, Caristrom K et al. Gene expression and tissue concentration of IGF-I in human myometrium and fibroids under different hormonal conditions. Mol Hum Reprod 2000 ; 6 : 915-920.
27-Sharara Fl, Nieman L. Growth hormone receptor messenger ribonucleic acid expression in leiomyoma and surrounding myometrium. Amer J Obstet Gynecol 1995 ; 8 : 814-819.
28-Yoshimoto H, Ishihara H, Ohtsuru A et al. Overexpression of insulin-like growth factor_I (IGF-I) receptor and the invasiveness of cultured keloid fibroblasts Am J Pathol 1999 ; 154 : 883-889.
29-Nowak RA. Identification of new therapies for leiomyomas : what In Votro studies can tell us. Clin Obstet Gynecol 2001 ; 44 : 327-334.
30-Harrison-Woolrych M.L. ,Sharkey A.M.,Charock-Jones D.S.,Smith S.K. Localization and quantification of vascular endothelile growth factor in human mtometrium and leiomyomata. J.Clin.Endocrinol.Metab.1995,80:1853-1858.
31-Smith SK. Growth factors. In " Pathogenesis and medical management of uterine fibroids " IA Brosens, B Lunenfeld, J Donnez editors. 1 vol, 1999, Parthenon Publishing,
NewYork, pp.51-54.
32-Ali AFM, Fateen B, Ezzet A, Badawy H, Ramadan A, El-tobge A. Elevated level of basic fibroblast growth factor in leiomyoma-related abnormal uterine bleeding and its reversal by interferon-alpha. Obstet Gynecol 2000 ; 95 : S6.
33-Lee BS, Nowak RA, Human leiomyoma csmooth muscle cells show an increased expression of transforming growth factor-bêta3 and altered response to the antiproliferative effect of TGF-bêtas. J Clin Endocrinol Metab 2001 ;86 : 913-920.
34-Andersen J, Grien E, Eng CLY, Zhao K, Barbieri RL, Chumas JC, Brink PR. Expression of connexin-43 in human myometrium and leiomyoma. Am J Obstet Gynecol 1993 ; 169 : 1266-1276.
35-Walker RH, Reed WB. Genetic cutaneous disorders with gynecologic tumors. Am J Obstet Gynecol 1973 ; 116 : 485-492.
36-Meloni A.M.,Surti U.,Contento A.M.,Davre J.,Sandberg A.A.Uterine leiomyomas: Cytogenetic and histologic profile.Obtet.Gynecol.,1992,80:209-216.
37-Ligon AH, Morton CC. Genetics of uterine leiomyomata. Gene Chromosomes Cancer, 2000 ; 28 : 235-245.
38-Rein M.S.,Friedman A.J.,Barbieri R.L. et al.Cytogenetic abnormalities in uterine leiomyomas.Obstet.gynecol.,1991,77:923-926.
39- Ingraham SE, Lynch RA, Kathiresan S, Buckler AJ, Menon AG. hREC2, a RAD51-like gene, is disrupted by t(12;14) (q15;q24.1) in a uterine leiomyoma. Cancer Genet Cytogenet 1999 ; 115 : 56-61.
40-Pedetour F, Lignon AH, Morton CC. Genetics of uterine leiomyomata. Bull.Cancer 1999 ; 86 : 920-928.
41-Gross KL, Morton CC. Genetic and the development of fibroids. Clin Obstet Gynecol 2001 ; 44 : 335-349.
42-Zeng WR, Scherer SW, Koutsilieris M, Huizenga JJ, Filteau F, Tsui LC, Nepveu A. Loss of heterozygosity and reduced expression of the CUTL1 gene in uterine leiomyomas. Oncogene 1997 ; 14 : 2355-2365.
43- Tallini G, Vanni R, Manfioletti G, Kazmierczak B, Faa G, Pauwels P, Bullerdiek J, Giancotti V, Van Den Berghe H, Dal Cin P HMGI-C and HMGI(Y) immunoreactivity correlates with cytogenetic abnormalities in lipomas, pulmonary chondroid hamartomas, endometrial polyps, and uterine leiomyomas and is compatible with rearrangement of the HMGI-C and HMGI(Y) genes. Lab Invest 2000 ; 80 : 359-369.
44-Dal Cin P, Van den Berghe H. Cytogenetics of mesenchymental tumors of the uterus. In " Uterine Fibroids " , IA Brosens, Lunenfeld B, Donnez J eds., 1 vol., 1999, Parthenon Publishing, New York, PP. 55-59.
45- Fuhrmann U, Wasserfall A, Klotzbücher M. Expression of high-mobility group I proteins in uterine leiomomas. In " Uterine Fibroids " , IA Brosens, Lunenfeld B, Donnez J eds., 1 vol., 1999, Parthenon Publishing, New York, PP. 61-82.
46-Levy B, MuKherJee T, Hirschorn K. Molecular cytogenetic analysis of leiomyoma and leiomyomsarcoma by comparative genomic hybridization. Cancer Genet Cytogenet , 2000 ; 121 :1-8.
47-Packenham JP, du Manoir S, Schrock E, Risinger JI, Dixon D, Denz DN, Evans JA, Berchuck A, Barrett JC, Devereux TR, Ried T. Analysis of genetic alterations in uterine leiomyomas and leiomyosarcomas by comparative genomic hybridization. Mol Carcinog 1997 ; 19 : 273-279.
48-Quade BJ, Pinto AP, Howard DR, Peters WA 3rd, Crum CP. Frequent loss of heterozygosity for chromosome 10 in uterine leiomyosarcoma in contrast to leiomyoma. Am J Pathol 1999 ; 154 : 945-950.